Les cabines au dégradé de couleurs caractéristique de Sigma Cabins équipent depuis 2019 le téléphérique de la Grave.
Photo: Poma
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DES TÉLÉPHÉRIQUES SORTANT DE L’ORDINAIRE

Un appareil pulsé à trains de cabines pur accéder au glacier

Depuis plus de 40 ans, au départ de la Grave, deux tronçons d’appareils pulsés à trains de cabines permettent d’accéder à l’un des plus fameux domaines de free-ride des Alpes, au pied du Pic de la Meije qui culmine à près de 4 000 m.

Créé par Roman Gric

Située à 1500 m d’altitude sur la route qui par le Col du Lautaret relie Grenoble à Briançon, à environ 10 km à l’ouest du haut du col, La Grave est la commune la plus au Nord du Département des Hautes-Alpes, au pied du Pic de la Meije qui culmine à 3.942 m. Depuis les années 50, La Grave est l’un des plus importants centres d’alpinisme.

On avait déjà dans les années 1934/1935 envisagé la construction d’un téléphérique en quatre tronçons, montant de La Grave jusqu’au sommet de La Meije ; mais on devait rapidement se rendre compte qu’il fallait abandonner ce projet par trop irréaliste. Plus tard, en 1958, André Georges, à la tête du Secours en montagne dans le Briançonnais, présenta un projet de Téléphérique de la Lauze destiné à assurer un accès direct au Dôme de la Lauze (3.568 m). Il s’était alors adressé aux fabricants français de téléphériques Applevage et Neyrpic.

Mais la mise en œuvre du projet de construction d’un téléphérique à La Grave allait s’avérer un véritable parcours du combattant. En 1963, deux autres fabricants de téléphériques, Heckel et Weber, proposèrent un financement du projet. En 1965 on commença à discuter le projet d’aménagement du Parc national des Ecrins, dans une partie des Alpes du Dauphiné, ce qui entraîna le blocage momentané de la construction du téléphérique de La Grave. C’est en mars 1973 que fut réalisé le projet du Parc national des Ecrins d’une superficie de 1786 m2,. Dans la zone de haute montagne, la Barre des Ecrins, le plus au Sud et le plus à l’Ouest des sommets alpins de plus de 4.000 m, domine le panorama en culminant à 4102 m. Ce n’est qu’après de longues tractations que l’on aboutit à une solution permettant de réaliser un téléphérique le long de la lisière de la zone cœur de 918 km2 du Parc national, de La Grave au Col des Ruillans (3.173 m), au bord du Glacier de la Girose.

Photo: Roman Gric
On profite en été de la période où le téléphérique est peu fréquenté pour fonctionner avec quatre cabines seulement, ce qui facilite l’entretien.
Photo: Roman Gric

Un téléphérique hors du commun

C’est le système du téléphérique bicâble unidierectionnel pulsé avec trains de cabines qui fut reconnu comme offrant la meilleure solution pour le tracé choisi. On ne pouvait envisager un appareil monocâble en raison de la longueur des travées et un téléphérique à va-et-vient aurait nécessité des cabines trop grandes et des pylônes relativement hauts qui auraient été difficiles à installer sur un terrain dépourvu de voies carrossables et qui de surcroît auraient plus déparé le paysage que les pylônes moins hauts de l’appareil pulsé avec trains de cabines. Par ailleurs, un appareil bicâble est moins sensible au vent qu’un téléphérique monocâble. Le tracé de 5154 m a été divisé en deux tronçons fonctionnant séparément. C’est le bureau DCSA de Denis Creissels qui, fort de sa longue expérience, a assuré l’étude du projet tandis que pour la fourniture de la partie technique des transports à câbles on s’était adressé à l’ancien constructeur allemand PHB.

Outre les conditions météorologiques en haute montagne et la difficulté d’acheminement des matériaux qui ne pouvaient être transportés que par un téléphérique à matériaux ou par hélicoptère, en novembre 1976 un attentat à la bombe visant la gare aval terminée allait encore compliquer les travaux. Après avoir effectué les réparations nécessaires on put enfin ouvrir le premier tronçon en 1977 et le second en mars 1978.

Sur chacun des deux tronçons circulent au total six groupes de cinq cabines 6 places, régulièrement répartis (en été on utilise aussi des groupes de quatre cabines ou des groupes de quatre cabines plus une plateforme à matériaux). Chaque cabine a un chariot comportant deux galets en matière plastique et est solidarisée avec le câble tracteur par une attache fixe à accumulateur à ressort. Les cabines de chaque groupe sont reliées par un câble, il est donc inutile d’avoir une seconde pince de câble tracteur sur chaque chariot. Les chariots du deuxième tronçon sont en outre pourvus de deux petits galets de plastique supplémentaires pour assurer la sécurité du guidage du chariot moyennant des rails de guidage sur les deux pylônes de compression. La motrice du premier tronçon se trouve à la gare aval, celle du deuxième tronçon à la gare intermédiaire. Les deux motrices sont conçues de la même façon : à partir d’un moteur à courant continu situé à l’étage inférieur, le couple moteur est transmis à la poulie motrice par une transmission intermédiaire à courroie trapézoïdale et un réducteur. Un moteur Diesel qui peut le cas échéant être accouplé au réducteur par un arbre à cardan sert d’entraînement de secours.

Les câbles porteurs sont déviés sur le premier pylône (pylône N°0) à proximité de la sortie de la gare aval et tendus par un contrepoids dans une fosse sous le pylône. Le câble porteur est dévié deux fois de 90° à la station retour à l’aide de deux poulies de renvoi de 2800 mm de diamètre et tendu par contrepoids. Les dispositifs de tension des deux tronçons sont conçus de façon identique.

Le pylône N°1 du premier tronçon est situé à une distance d’un train de cabines devant la gare aval et conçu en tant que station intermédiaire haute avec accès et sortie. Alors que les cabines traversent la gare aval et la gare amont à la vitesse de 0,3 m/s, les skieurs dont les pistes de free-ride s’arrêtent au pylône N°1 peuvent embarquer ici. La gare intermédiaire sur le pylône sert aussi à ramener, au-dessus des gorges de la Romanche, les skieurs redescendant dans la vallée.

Entre la gare aval de La Grave et le pylône N°1, le téléphérique franchit les gorges à une hauteur de plus de 100 mètres. Pour permettre le cas échéant la récupération des passagers, un appareil de sauvetage séparé a été installé entre le pylône N°0 près de la gare aval et le pylône N°1. La benne de récupération parquée sur le pylône 0 se déplace sur le câble porteur et est amenée à l’aide d’une boucle de câble de sauvetage jusqu’au prochain train de cabines. Les cabines sont alors détachées du câble tracteur et ramenées à la gare aval à l’aide de la benne de récupération sans que les passagers n’aient à changer. La boucle de câble de récupération est entraînée par un moteur à combustion interne situé sur le pylône N°1.  Sur le reste du trajet, l’évacuation s’effectue à l’aide d’un câble de secours.

Il n’y a sur ce domaine ni pistes damées, ni installations d’enneigement ; les vallées de La Meije et de Valons possèdent plusieurs pistes de free-ride. C’est ainsi qu’après avoir été à l’origine le rendez-vous des alpinistes et des touristes de haute montagne La Grave est devenue la Mecque des free-riders, puis bientôt aussi, des downhill-biker. D’ailleurs ne serait-ce que pour la demi-heure de montée le long des pics du massif de La Meije le voyage dans les cabines au dégradé de couleurs caractéristique en vaut la peine.

Le téléski de La Girose

C’est à Denis Creissels que l’on doit la conception du légendaire téléski suspendu permettant d’accéder au glacier de La Girose jusqu’à proximité du sommet du Dôme de la Lauze. Construit avec des éléments fournis par Doppelmayr, le téléski fut inauguré en 1989. Il comporte en fait deux pistes de montée avec une seule boucle de câble porteur-tracteur et une motrice. Pour la première piste – la piste de Trifides, de 450 m de long, qui longe la falaise de Trifides – les trains de galets et les poulies de renvoi sont fixés sous forme de consoles sur la roche. Pour la seconde piste, la piste de Girose de 1050 m de long qui relie le rocher de Trifides au sommet rocheux du Dôme de la Lauze, les trains de galets sont suspendus à une paire de câbles de haubanage le long du tracé. Pour permettre de régler le câble porteur-tracteur à la bonne hauteur au-dessus du glacier, dans la zone d’embarquement, un pylône d’embarquement volant est fixé avec un poids sur les câbles de haubanage. Etant donné qu’il n’existe pas de ligne haute-tension sur le Col des Ruillans à proximité de la station amont on utilise pour l’entraînement un moteur Diesel. En raison du recul des glaciers, depuis 1994 le téléski prévu au départ aussi pour le ski d’été n’est plus utilisé qu’en hiver. Les enrouleurs en T ont entretemps été remplacés par des enrouleurs à sellettes. Suite à un éboulement rocheux en 2008 on n’utilise plus désormais que la plus longue des deux lignes de téléski. Le câble porteur-tracteur a été divisé en deux boucles séparées ; la boucle courte sur l’ancienne ligne du téléski des Trifides est désormais utilisée pour la transmission d’énergie de la station motrice à la poulie de renvoi de la ligne de La Girose. La station amont du téléski, à 3550 m d’altitude est, après l’Aiguille du Midi, le deuxième plus haut point de France accessible à l’aide d’une installation de transport à câbles.

Des conditions d’exploitation difficiles

L’exploitation du téléphérique pulsé hors du commun, avec sa clientèle spécifique n’était apparemment pas placée sous une bonne étoile. Le premier exploitant, le SIVOM (Syndicat intercommunal à vocation multiple) du Briançonnais se trouva au bout de dix ans dépourvu de l’argent nécessaire pour l’exploitation et l’entretien de l’installation ainsi menacée de fermeture. En 1957, elle fut reprise par son concepteur, Denis Creissels, qui assura son existence pendant les 30 années qui suivirent.  Il fallait toute la compétence de Denis Creissels, aidé de 16 collaborateurs pour maintenir le fonctionnement de l’installation et réaliser les travaux de maintenance et de modernisation nécessaires. Ainsi par exemple la rénovation complète des cabines d’origine - dont le constructeur n’existait plus - effectuée par la société TRK-Métallerie à Domêne près de Grenoble.  On a aussi utilisé des cabines identiques provenant de la télécabine Perdrix de Super Besse mise hors service en 2008.

Modernisation et agrandissement

Le 15 juin 2017, la SATG (Société d’Aménagement Touristique de la Grave), une filiale de la  SATA (Société d´Aménagement Touristique de l´Alpe d´Huez), reprit l’ensemble des remontées mécaniques de La Grave. Cependant les conditions posées pour la reprise n’étaient pas faciles à remplir : modernisation des installations existantes datant des années 70 et remplacement du téléski par la construction d’un troisième tronçon de la télécabine, montant jusqu’au sommet du Dôme de la Lauze.

Le projet prévoit un téléphérique à va-et-vient 35 places à double voie dont la gare amont se situerait à 3.559 m d’altitude. Le tracé de cette installation de 1850 m de long passe par le glacier, l’unique support de ligne de 45 m de haut doit être établi vers le milieu du trajet sur un piton rocheux. Le débit prévu est de 400 p/h. Une fois le téléphérique opérationnel, le téléski de La Girose dont la motrice n’est pas vraiment écologique sera être supprimé et ses structures en acier éliminées des parois rocheuses. On prévoit également la construction d’un restaurant près de la gare amont du Col des Ruillans.

Coordonnée par la société Poma, la modernisation débuta en 2019 avec la fourniture de 29 nouvelles cabines pour le premier tronçon. Il s’agit de cabines 6 places dérivées de la série Diamond, adaptées en fonction des paramètres de la nouvelle installation en ce qui concerne le poids et les dimensions. Le schéma des couleurs – du rouge au jaune – typique de cette installation a été conservé. Il est également prévu d’équiper également le second tronçon de nouvelles cabines. Les réducteurs des deux tronçons ont eux aussi subi une révision générale.

La construction du troisième tronçon jusqu’au Dôme de la Lauze permettrait d’accéder pendant toute l’année à un point de vue fantastique comme à un extraordinaire point de départ pour les randonnées en haute montagne : le troisième le plus haute point d’Europe accessible par téléphérique en même temps que le plus haut de la région PACA (Provence-Alpes-Côte d´Azur)). Le coût de la construction y compris restaurant et agrandissement du parking de la gare aval est été estimé à 2 millions d’euros. Toutefois la réalisation de ce projet prestigieux pour La Grave et l’ensemble de la région PACA risque bien d’être retardée encore quelque temps suite aux pertes de recettes de la société-mère SATA dues à la pandémie du Covid-19 ainsi qu’aux procédures d’autorisation compliquées.

Caractéristiques techniques

Téléphérique pulsé à trains de cabines de La Grave – Peyron d’Amont – Col des Ruillans (La Meije)

 1er tronçon2e tronçon
Altitude gare aval1.470 m-
Altitude gare intermédiaire2.424 m2.424 m
Altitude gare amont-3.173 m
Longueur selon la pente2.460 m2.760 m
Dénivelée954 m749 m
Nombre de pylônes57
Diamètre câble porteur45 mm44 mm
Diamètre câble tracteur36 mm36 mm
Motricegare avalgare intermédiaire
Puissance du moteur450 kW375 kW
Tension câble porteurgare avalgare aval
Tension câble tracteurgare intermédiairegare amont
Capacité d’une cabine6 pers.6 pers.
Nombre de cabines6 groupes de
 5 cabines
6 groupes de
5 cabines
Vitesse maxi.6,5 m/s7,5 m/s
Vitesse dans les gares0,3 m/s0,3 m/s
Durée du trajet12 min12 min
Débit max.440 P/h440 P/h

Sociétés ayant participé au projet

Fabricant, années de constructionPHB (Pohlig-Heckel-Bleichert), 1975 – 1978
Conception généraleDCSA (Denis Creissels ingénieur conseil)
Architecture des garesJ.-M. Legrand
Fabrication des cabinesBaudin – Châteaneuf/ACL (annexe de Weber)
Nouvelles cabines 1er tronçonSigma Cabins, 2019
RéducteurKissling
CommandeTélémecanique
Fabricant câbles tracteurs (câble actuel)Fatzer
  1er tronçon2e tronçon
Fabricant câbles porteurs (câble actuel)câble gauche:
câble droit:
Fatzer
Tréfileurope
Fatzer
Type Integra Data

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