Tracé du télésiège de l’Alp Languard avec une splendide vue sur St-Moritz et le Piz Julier (3.380 m) à l’arrière-plan
Photo : Roman Gric
Nouveaux téléphériques

DES TÉLÉPHÉRIQUES SORTANT DE L’ORDINAIRE

Télésiège à virage BACO à Pontresina

REPORTAGE ISR (Grisons) Un télésiège biplace á attaches fixes donne accès à Alp Languard : avec sa déviation horizontale de 32,5°, une installation unique en Europe.

Créé par Roman Gric

La commune de Pontresina fondée au 12ième siècle à 1.800 m d’altitude, sur une terrasse à flanc de coteau du versant sud des Alpes, est un village de montagne qui s*est développé au cours des temps, à l’abri du « Maloja » le vent bien connu en Engadine.  C’est le seul bourg du Val Bernina reliant l’Engadine au Poschiavo (Puschlav) par le col du même nom. Des cimes de plus de 3.500 m de haut le dominent – entre autres le Piz Bernina (4.049 m), l’unique 4.000 m des Alpes orientales.

Pontresina a été relié dès 1908 par le tronçon Samedan – Pontresina au réseau du chemin de fer Rhétique à voie métrique (RhB). L’inauguration du chemin de fer à adhérence le plus haut des Alpes, le tronçon de Bernina du RhB, deux années plus tard, allait représenter un grand pas en avant pour le développement touristique de Pontresina. Le premier chemin de fer de montagne de Pontresina est le funiculaire de Punk Muragl près de Pontresina, qui monte à Muottas-Muragl.

Téléski en hiver, télésiège en été

En décembre 1945 deux tronçons de téléporté mixte du fabricant Sameli-Huber étaient inaugurés à Pontresina. Utilisés en hiver comme téléskis, ils contribuèrent à faire de la station climatique de Pontresina une station de sports d’hiver. En été, les deux tronçons, pourvus de sièges monoplaces, rendaient plus accessible le réseau de chemins de randonnée au-dessus de Pontresina, déjà aménagé au début du 20ième siècle. La vitesse de l’installation était respectivement de 2,6 m/s (1er tronçon) et 2,15 m/s (2e tronçon) pour le fonctionnement en téléski, et de 1,25 m/ pour le fonctionnement en télésiège. Le premier tronçon n’avait que 340 m de long ; il format un angle d’environ 33° avec le second tronçon de 892 m de long de l’appareil mixte en direction d’Alp Languard.

Un télésiège remplace les deux tronçons de l’installation mixte

 Au début des années 1990, on éprouva le besoin de remplacer les deux tronçons de l’installation mixte par un appareil plus moderne. Pour utiliser la laie existant dans la forêt et éviter de couper encore des arbres, le nouveau télésiège biplace dévie vers la droite à la hauteur de l’ancienne station intermédiaire. La nouvelle station amont est située plus haut que ne l’était la station amont de l’installation mixte sur l’Alp Languard.

Pour ce tracé, on allait choisir le système de télésiège biplace à attaches fixes avec courbe parallèle, doté d’une poulie de retour BACO. Etant donné que la BACO AG, la société de construction d’installations à câbles de Roland Bachmann à Steffisburg, travaillait depuis 1978 en étroite coopération avec la société française Poma, le télésiège biplace allait être équipé de la technique télésiège Poma (gare aval du type Alpha, avec ensemble mécanique moteur à tension hydraulique, ouvrages de ligne, sièges et station amont sous forme de poulie de déviation fixe).

Poulie de déviation BACO

Du fait de l’attache qui, avec l’axe de la suspension et le véhicule qui y est suspendu, est latéralement en porte-à-faux sur un câble porteur-tracteur, sur une installation monocâble courante le contournement d’une poulie ne peut toujours s’effectuer que d’un seul côté. Si l’on considère par exemple une installation à mouvement unidirectionnel fixe, dont le câble porteur-tracteur montant est sur la droite et qui décrit une courbe à gauche moyennant une poulie de déviation, on se trouve toutefois en présence du problème suivant : dans le cas de câbles parallèles, le câble descendant doit décrire – toujours en observant dans le sens de la marche – une courbe à droite en passant sur la poulie de déviation correspondante. Or l’attache et la suspente font obstacle.

Ce problème a été résolu vers la fin des années 1960 avec la poulie de déviation BACO développée par le constructeur Max Maurer qui travaillait chez BACO AG. Sur cette poulie, le dispositif d’appui du câble ne consiste pas comme à l’ordinaire en un disque avec gorge d’appui du câble mais en une série de blocs d’appui. Ces blocs peuvent se déplacer verticalement, avec sécurité contre la chute vers le bas. Vers le haut, le déplacement est limité par le couvercle de la poulie qui protège en même temps de l’ensemble des influences atmosphériques (Cf. croquis).

Les attaches du câble porteur-tracteur doivent dans ce cas posséder un élément déflecteur en forme de « toit » (Cf. croquis}. Lorsque la pince arrive sur la poulie de déviation, un interstice s’ouvre, à l’aide de l’élément déflecteur, dans la série de blocs d’appui, assez large pour que l’élément déflecteur et par conséquent aussi l’attache et la suspente aient suffisamment de place pour que la déviation puisse s’effectuer (Cf. croquis). Les blocs d’appui du câble sont repoussés verticalement ce qui ne demande pratiquement pas de force étant donné que dans cette zone ils ne subissent pas la charge du câble porteur-tracteur. Sur le télésiège d’Alp Languard, la poulie de déviation BACO est pourvue de 90 blocs d’appui ; lors du passage d’un siège, trois de ces blocs sont soulevés à la fois. Le câble porteur-tracteur s’appuie sur les blocs de part et d’autre de l’interstice qui les sépare. Après passage de l’attache, les blocs retombent par leur propre poids pour reprendre leur position d’origine – sauf dans le cas de givre ou autre élément faisant obstacle, auquel cas ils sont ramenés dans leur position d’origine par une coulisse incorporée.  On est ainsi assuré que les blocs ne se coinceront pas en position supérieure, ce qui pourrait entraîner un déraillement du câble.

Des inconvénients s’opposent à une large diffusion

Bien que des installations aient fonctionné pendant des années avec une poulie de déviation BACO, ce système a aussi ses inconvénients qui en empêchèrent une large diffusion. L’usure rapide des blocs d’appui en plastique est à l’origine de frais de fonctionnement et d’entretien supplémentaires. La force centrifuge horizontale résultant du contournement des poulies avec sièges chargés est à l’origine d’un effort de torsion au niveau des sièges, qui ne peut être que partiellement amorti par la construction de la suspente et par un ruban élastique sur le pylône de déviation. Pour limiter cet effort de torsion la vitesse d’exploitation est inférieure à celle des télésièges fixes classiques.

La poulie de déviation BACO avait d’abord été utilisée sur les téléskis ; plus tard on allait aussi adopter cette solution sur quelques rares télésièges. C’était en Suisse, outre le télésiège déjà cité d’Alp Languard, le télésiège biplace de Schönried – Rellerligrat (en service de 1971 à 1981), en Allemagne le Kreuzjochbahn de Garmisch-Partenkirchen (1977-2009) et en Autriche le Seetalbahn à Spittal an der Drau (1981-2011) – pour citer les plus connues de ces installations. La dernière citée a même deux stations d’angle et également deux poulies de déviation BACO.

Importance touristique

L’installation des « télécombis » de Pontresina en 1945, a permis de découvrir plus largement le Sentier panoramique de Muottas Muragl entre la gare amont du funiculaire de Muottas Muragl et le télésiège d’Alp Languard. Lors d’une randonnée de 7 kilomètres que l’on fait confortablement en deux heures et demie environ, avec une dénivelée de 290 mètres en descente et 160 mètres en montée, on découvre l’extraordinaire panorama des cimes enneigées du massif de la Bernina – tandis que le restaurant typique Munt da la Bês-cha invite à se reposer un moment avant de reprendre le sentier jusqu’à la gare amont d’Alp Languard. Et il existe bien sûr in billet circulaire pour funiculaire et télésiège.

C’est sur les pentes du Piz Languard que s’est établie, avec quelque 1.800 têtes, la plus grosse colonie de chamois de Suisse. Au printemps en particulier, ils ont tendance à s’approcher des villages et c‘est là que l’on a le plus de chance d’observer cet animal qui orne le blason des Grisons.  

Après l’inauguration du télésiège biplace, le premier tronçon, court, du télécombi est resté en service en tant que téléski de San Spiert – Clüx. En 2012, il a été remplacé par un téléski de Bertholet. Quant au télésiège, depuis quelques années il ne fonctionne plus que l’été.

Discussions concernant la rénovation

Bien que l’autorisation d’exploitation pour le télésiège d’Alp Languard soit valable jusqu’en 2035, l’assemblée des actionnaires d’Alp Languard AG a décidé en 2021 de commencer à réfléchir à la rénovation du télésiège. Le conseil municipal s’est déclaré contre la rénovation du télésiège existant et pour la construction d’une nouvelle installation. Le principal argument était entre autres le fait que le tracé curviligne de l’actuel télésiège représente techniquement un point faible avec danger potentiel. Deux fois déjà on a eu des dégâts massifs sur l’axe de la poulie de retour, ayant entraîné des arrêts d’exploitation. D’autre part, les frais d’exploitation et d’entretien de cette installation qui est aujourd’hui la seule au monde à posséder une poulie de déviation BACO sont élevés. Alp Languard AG a commandé une étude de variantes et de faisibilité pour la construction d’une nouvelle installation. En tous cas, un tracé rectiligne pour relier les deux stations de télésiège actuelles est pratiquement hors de propos étant donné que d’une part il obligerait à couper encore des arbres dans la forêt, tandis que d’autre part la Chapelle du cimetière avec le Cimetière Ste Marie, datant du 11ième siècle, se trouvent sur le chemin.

Photo : Archives Roman Gric
Cette installation mixte sur l’Alp Languard était en exploitation depuis 1945
Photo : Archives Roman Gric
Photo : Roman Gric
La station aval du télésiège biplace de l’Alp Languard aux abords du village avait été construite par Poma en tant que station Alpha classique.
Photo : Roman Gric
Photo : Roman Gric
La déviation du tracé avec courbe BACO, vue d’en haut.
Photo : Roman Gric
Photo : Roman Gric
La déviation du tracé vue du sol, à gauche la poulie de déviation BACO, à droite, une poulie de déviation classique.
Photo : Roman Gric
Schéma: Archives Roman Gric
Schéma de la poulie de déviation BACO. Lors du passage du siège, trois blocs d’appui du câble sont relevés à l’aide de l’élément déflecteur, ce qui libère suffisamment de place pour le passage de l’attache et de la suspente.
Schéma: Archives Roman Gric
Photo : Roman Gric
Vue du dessous sur la poulie de déviation BACO lors du passage d’une attache sur le câble porteur-tracteur, avec élément déflecteur. A côté des rails de guidage avec garniture de plastique bleu, on voit aussi le ruban élastique d’amortissement de la force centrifuge lors du passage du siège (flèches rouges).
Photo : Roman Gric

CARACTÉRISTIQUES TECHNIQUES

Pontresina – Alp Languard Télésiège biplace avec poulie de déviation BACO

Altitude gare aval1.844 m
Altitude pylône BACO1.940 m
Altitude gare amont2.332 m
Longueur selon la pente       1.348 m
Dénivelée498 m
Déviation horizontale du tracé32,5º (évalué sur la carte)
Nombre de pylônes17
Diamètre du câble porteur-tracteur33 mm
Entraînementstation aval
Puissance motrice (départ/en marche)155/131 kW
Dispositif de tensionaval
Nombre de sièges96
Espacement des sièges28,3 m
Vitesse d’exploitation maxi.1,5 m/s
Cadence de succession des sièges18,9 s
Durée du trajet14,9 min
Débit max.385 P/h

Entreprises ayant participé à la construction :

Fabricant et année de constructionBACO-POMA, 1991
Fabricant du câble porteur-tracteurDrahtseilwerke Brugg

 


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