Les années 70 et 80 ont été marquées par un développement fulgurant du tourisme hivernal. Il s’ensuivit un changement de l’importance conférée aux installations à câble pour le transport de personnes, qu’il s’agisse des « téléphériques d’excursion » ou des remontées mécaniques destinées aux skieurs, ce qui donna un nouvel élan à la construction de télésièges à pinces fixes et de téléskis. Avec à la clé l’apparition de nombreux développements techniques ; et si un grand nombre de ces appareils ont été remplacés au cours des 50 dernières années par des installations plus modernes, certains ont « survécu » sans grandes modifications que ce soit du point de vue de l’utilisation envisagée ou de celui de leur construction. Trois éléments constitutifs vont être décrits ci-dessous – sans prétention à l’exhaustivité.
Détecteur électrique de déraillement à barrette cassante
Comme on le sait, les télésièges et les téléskis appartiennent au système monocâble à mouvement continu. Un point faible de ces appareils par rapport à d’autres systèmes se situe au niveau de la sécurité au déraillement du câble porteur-tracteur sur les trains de galets. Etant donné qu’on ne saurait exclure complètement un déraillement du câble porteur-tracteur, on a été amené à mettre au point divers dispositifs de sécurité qui ne peuvent certes pas éviter le déraillement mais qui ont pour rôle d’arrêter immédiatement l’installation en déconnectant l’entraînement et en déclenchant le frein mécanique sur la poulie motrice.
Un tel dispositif consiste en un circuit électrique de sécurité fonctionnant selon le principe du circuit fermé, installé sur toute la longueur de la ligne. L’interruption d’un flux continu de courant de circuit fermé déclenche la coupure et le freinage. Un déraillement du câble doit donc, quelles que soient les conditions atmosphériques, déclencher des interrupteurs interrompant le courant de façon absolument fiable. C’est à cet effet que fut imaginé dans les années 70 le détecteur de déraillement à barrette cassante, utilisé encore aujourd’hui pratiquement sans modification.
Le détecteur de déraillement à barrette cassante mis au point par Doppelmayr a été décrit comme suit dans le cahier 1/1975 d’ISR :
Le détecteur électrique de déraillement à barrette cassante consiste en un corps isolant en matière plastique dans lequel sont introduites deux cosses de phase en laiton. A l’intérieur de ces cosses se trouvent les barrettes cassantes conductrices recourbées en forme d’épingles à cheveux, retenues par une vis à garrot en matière plastique. (Fig. 1)
Le détecteur électrique de déraillement à barrette cassante proprement dit consiste en un fil d’acier à ressorts durci à rupture fragile en un point donné destiné à la rupture. La barrette se rompt sous une charge de 6,0 à 7,0 kg, ce qui provoque l’interruption du circuit. (Fig. 2)
Fig. 2 : Barrette cassante en fil d’acier à ressorts avec point destiné à la rupture
Les possibilités de montage du détecteur électrique de déraillement à barrette cassante sont multiples. La barrette cassante peut soit être montée directement dans un sabot de rattrapage (Fig. 3), soit être actionnée indirectement par une touche à bascule. Dans ce cas on a respectivement un galet normal et un galet d’environ 100 N. En cas de déraillement, la touche est délestée et bascule en direction du galet le plus lourd. Sur les galets lourds, l’axe de galet est plus long et coupe la barrette. (Fig. 4)
Fig. 3 : Schéma du détecteur de déraillement à barrette cassante, monté dans le sabot de rattrapage entre les deux galets du balancier (coupe verticale)
Fig. 4 : Détecteur de déraillement à barrette cassante. Actionné par l’axe prolongé du galet lourd du balancier. On peut extraire la barrette cassante pour l’examiner et la remplacer.
Galet sans vis
Les galets sont un élément de construction essentiel, d’une part en tant que galets de roulement des chariots de roulement des installations à va-et-vient, d’autre part en tant que galets-supports du câble tracteur sur les systèmes bicâbles (installations à va-et-vient, installations à mouvement continu bicâbles, systèmes 3S) et galets-supports du câble porteur-tracteur des trains de galets sur les installations à mouvement continu monocâbles (télécabines, télésièges, téléskis).
La construction du galet revêt une importance particulière du point de vue de la sécurité, de la résistance et de la facilité d’entretien dans le cas de cette dernière fonction, à savoir en tant qu’élément de guidage du câble porteur-tracteur sur les installations à mouvement continu monocâbles.
Jusque vers le milieu des années 70 on utilisait des galets vissés (Fig. 5). Sur ces galets, les flasques sont vissées au corps de galet, le bandage étant serré entre les flasques (Fig. 6).
Fig. 5 : Galets de câble porteur-tracteur vissés (publicité parue dans ISR en 1972 et 1973)
Fig. 6 : Coupe d’un galet de chariot de roulement vissé
Cette construction présente deux inconvénients : d’une part elle complique le remplacement de la garniture, d’autre part en cas de rupture d’une vis la tige de la vis risque de dépasser de la jante et bloquer le galet. Ceci s’est produit plusieurs fois – avec des conséquences allant jusqu’au déraillement du câble. On évite ces inconvénients en utilisant le galet de câble porteur-tracteur sans vis qui est apparu sur le marché vers le milieu des années 70 et est encore utilisé aujourd’hui, avec juste quelques légères modifications, sur pratiquement toutes les installations monocâbles.
Le nouveau galet de Doppelmayr est décrit comme suit dans le cahier 5/1975 d’ISR :
Le galet sans vis consiste en une jante en fonte d’aluminium. L’anneau de caoutchouc est monté à l’aide d’un dispositif hydraulique. Deux flasques circulaires sont posées latéralement contre l’anneau de caoutchouc et comprimées assez fortement pour que l’on puisse introduire de chaque côté des rondelles-ressorts circulaires. Grâce à l’élasticité des anneaux de caoutchouc les flasques sont pressées contre les rondelles-ressorts, ce qui assure une bonne assise … Les galets sans vis ont été testés pendant trois ans dans des conditions extrêmes. Ces essais ont permis de constater que ces galets présentaient des avantages considérables par rapport aux modèles utilisés jusque là. (Fig. 7)
Fig. 7 : Galet de câble porteur-tracteur sans vis de Doppelmayr ; il peut être exécuté avec rayons ou jante pleine (publicité parue dans ISR en 1976), à droite, coupe d’un galet.
D’autres sociétés ont elles aussi lancé un nouveau galet sur le marché. On trouve ainsi la description suivante donnée par la société Lorunser dans le Livre ISR des téléphériques en 1976 :
Ces derniers temps, dans les milieux des transports à câbles, on entend de plus en plus souvent exprimer le vœu concernant une nouvelle construction des galets de roulement sur lesquels les flasques, les anneaux de caoutchouc et le corps du galet ne seraient pas vissés ensemble, comme c’est le cas jusqu’à maintenant, mais maintenus par d’autres éléments. La raison de ce souhait est un souci de sécurité étant donné que la rupture d’une de ces vis peut entraîner le blocage du galet avec toutes les conséquences qui s’ensuivent.
C’est ce qui amena la société LORÜNSER Leichtmetallwerk KG, Schlins, à développer un nouveau galet sur lequel les éléments de verrouillage sont des billes d’acier. Conjugué avec la conception éprouvée en deux parties, à double cône le verrouillage à billes, cette solution assure une simplicité de montage et démontage des garnitures inégalable. (Fig. 8)
Fig. 8 : Galet de câble porteur-tracteur sans vis de la société Lorünser ; à droite vue en coupe.
Par la suite, on a vu apparaître d’autres constructions de galets sans vis, décrites dans l’article Aperçu technique 1978 publié dans le cahier 7/1978 d’ISR. La Fig. 9 représente en coupes transversales des différents types de flasques.
Fig. 9 : Tableau des coupes transversales des différents types de flasques paru dans ISR 7/1978
Systèmes cadenceurs d’accès pour les télésièges
Le boom des sports d’hiver des années 70 et 80 auquel on a fait allusion plus haut se trouve à l’origine d’une nouvelle forme d’exploitation des télésièges, à savoir en tant qu’installations destinées exclusivement aux sports d’hiver. Sur ces installations, les zones d’embarquement et de débarquement sont conçues exclusivement pour le transport, uniquement vers l’amont, de skieurs avec leurs skis ou autres équipements de glisse aux pieds. Pour ce type d’exploitation, il importe en particulier que l’embarquement soit conçu en tant qu’embarquement sous la poulie.
Ce qui signifie que l’embarquement des passagers à la gare aval doit s’effectuer immédiatement après la déviation des sièges vides en direction de l’axe de l’installation. Pour que les passagers se trouvent au moment voulu au point d’embarquement on a besoin de barrières cadenceuses automatiques synchronisées avec la présentation des sièges, s’ouvrant et se fermant alternativement pour laisser passer les passagers ou les arrêter.
En Autriche, la société Traunsteilwerkstätte a été la première entreprise à mettre sur le marché un système cadenceur robuste et stable pour les télésièges biplaces. Ce système était actionné par deux cylindres pneumatiques. L’air comprimé nécessaire était fourni par un générateur monté sur un réservoir de pression. La commande de l’ouverture et de la fermeture du système d’accès est décrite comme suit dans le cahier 1/1977 d’ISR :
L’ouverture du portillon d’accès est commandée automatiquement par la suspension du siège et s’effectue immédiatement après le passage d’un véhicule. La fermeture est déclenchée par un relais temporisé, le délai entre les signaux « OUVRIR » et « FERMER » pouvant être réglé à volonté – la pratique indique environ 2 s comme valeur idéale.
Dans le cahier 5/1976 d’ISR, on trouve un article de la société Doppelmayr annonçant de « Nouveaux portillons d’accès pour les télésièges » ; ils étaient destinés pour commencer aux télésièges biplaces. :
Le déclenchement des deux portillons qui s’ouvrent en direction du flux des passagers est commandé par un cylindre hydraulique. La pompe à huile est entraînée par un moteur électrique qui peut être fourni en versions courant continu de 24 volts ou courant alternatif de 220 volts. L’ouverture et la fermeture des portillons sont déclenchées par des soupapes de commande électromagnétique. Les temps d’ouverture à intervalle défini sont commandés par un commutateur à baguette déclenché directement par les sièges lors de leur passage, … On ne saurait plus guère imaginer les télésièges biplaces et triplaces à haut débit désormais courants sans un tel système cadenceur d’accès pour l’embarquement sous la poulie. …
… Comme c’est vrai !
J.Nejez